Peau et Environnement

7 January 2012

Avec l’industrialisation croissante et l’urbanisation, les conditions atmosphériques se sont modifiées au cours des dernières décennies.

Par ailleurs, les modes de vie ont eux aussi changé (tabagisme, exposition solaire, etc.). Simultanément, on observe de plus en plus souvent des symptômes cutanés (irritations, sécheresse, vieillissement prématuré), potentiellement liés aux agressions de l’environnement. Toutefois, ces phénomènes sont difficiles à étudier du fait de l’intrication des multiples facteurs entrant en jeu. La plupart du temps, les réactions d’oxydation semblent être au premier plan des mécanismes d’altération de la peau.

Le tabac, ennemi de la peau

Les signes cutanés d’intoxication tabagique ont été décrits par différents auteurs ; il s’agit d’un vieillissement prématuré du visage, avec apparition de rides, d’un teint grisâtre, d’un aspect élastoïde avec des kystes et des comédons. Les femmes paraissent plus vulnérables que les hommes, et l’exposition solaire accentue ces lésions.

Sur le plan histologique, les modifications concernent surtout le derme, avec une altération des fibres élastiques et des faisceaux de collagène. On observe à la fois une fragmentation des fibres élastiques et une augmentation de leur nombre et de leur diamètre. Les modifications portent uniquement sur les fibres élastiques matures. Par ailleurs, l’intoxication tabagique est responsable d’une augmentation du taux de cross-linking des fibres de collagène, c’est-à-dire une augmentation du nombre de liaisons covalentes entre les chaînes de collagène. Il s’ensuit un accroissement de la tension maximale cutanée tolérée et une diminution de la susceptibilité des fibres de collagène à la dégradation enzymatique. Toutefois, l’intoxication tabagique stimule l’activité élastasique (augmentation du taux d’élastase sérique et diminution de certains inhibiteurs des enzymes de dégradation comme l’ alpha-1 antitrypsine). Cette augmentation de la dégradation du tissu élastique s’accompagne d’un accroissement de la néosynthèse, avec constitution d’un tissu élastique anormal.

On sait également que le tabac a un effet délétère sur l’oxygénation et la vascularisation de la peau. Enfin, la consommation de tabac entraîne une augmentation de la production de radicaux libres, dont les effets nocifs sur les tissus, et notamment sur les fibres élastiques, sont bien connus.

Ces effets sont très difficiles à dissocier de ceux liés au vieillissement actinique. De même, l’accentuation par la nicotine de la carence oestrogénique majore les signes de vieillissement cutané de la ménopause.

L’effet irritant des polluants atmosphériques

L’impact des polluants atmosphériques sur la peau est très difficile à étudier, étant donné leur grande variété, les interactions qui existent entre eux, et l’intervention de multiples facteurs tels que leur concentration, la durée d’exposition, les conditions météorologiques et la prédisposition individuelle des personnes. De même, le caractère hydrophile ou lipophile des polluants et la taille des particules interviennent.

D’une façon générale, les lésions dues à des polluants atmosphériques sont localisées aux régions découvertes, et parfois aux plis. Elles se traduisent par une irritation cutanée, une acidification de la peau et une modification des lipides de surface, responsable d’une altération de la fonction barrière. La peau perd sa souplesse et desquame. La répétition des agressions peut conduire à une véritable réaction d’intolérance.

Une place à part doit être faite à l’action de l’ozone sur la peau. Rappelons que l’ozone se raréfie dans la stratosphère (15-50 km) laissant passer les rayonnements solaires nocifs, et que sa concentration dans la troposphère (< 15 km) où il est considéré comme un polluant. Un des effets majeurs de l’agression par l’ozone est la peroxydation des lipides, notamment ceux de la bicouche membranaire, avec là encore une altération de la fonction barrière.

En plus de son activité de peroxydation, l’ozone engendre une déplétion en vitamine E et en vitamine C, deux antioxydants majeurs.

Les armes à disposition

Plusieurs moyens sont à notre disposition pour prévenir les lésions cutanées dues à ces agressions de l’environnement. Le premier est d’éviter autant que faire se peut de s’exposer : zones polluées, exposition solaire, consommation de tabac ou atmosphère enfumée.

La deuxième façon de se protéger fait appel aux mécanismes de défense présents naturellement dans l’organisme : épaississement de la peau et pigmentation permettant de filtrer une certaine quantité d’UV ; systèmes enzymatiques endocellulaires (peu présents dans le derme pauvre en éléments cellulaires) ; vitamines et minéraux antioxydants présents dans l’organisme.

Il est cependant possible de renforcer ces mécanismes de défense naturels par différents moyens. L’apport de substances antiradicalaires par voie orale et/ou par voie topique est particulièrement intéressant pour pallier le déficit en systèmes endocellulaires dans le derme. Le choix des antioxydants, des meilleures associations, des doses équilibrées est complexe, car on manque de données étayées dans ce domaine. En revanche, on connaît assez bien les propriétés de chaque antioxydant pris isolément et évaluées dans des conditions expérimentales.

Les différents antioxydants

Par exemple, un milieu enrichi en sélénium permet d’allonger la survie de cellules cutanées en culture exposées à un rayonnement UV. De même, le zinc prévient les lésions induites par les UV en protégeant les membranes. Le silicium participe à l’ élasticité et à l’architecture cutanées ; il se lie à la kératine avec le souffre et intervient dans la fonction du tissu conjonctif. Le manganèse stimule la prolifération des kératinocytes et du collagène.

L’acide rétinoïque augmente le processus de réparation du vieillissement photo-induit. Le rétinol topique, bien qu’ayant une activité plus faible que celle de l’acide rétinoïque, a une meilleure pénétration et n’est pas irritant.

Le bêta carotène peut être converti en acide rétinoïque en évitant la voie du rétinol ; il agit comme piégeur de radicaux libres et protège les membranes.

La vitamine E, et surtout l’alpha tocophérol, est un bon antioxydant.

Lipophile, elle s’oppose à la peroxydation membranaire. Son application topique semble plus intéressante au niveau cutané que son administration par voie orale. La vitamine C hydrophile est également un antioxydant puissant. Elle agit directement en piégeant les radicaux libres ou l’ozone. Elle est par ailleurs capable de régénérer la vitamine E à partir des radicaux tocophénoxy dans la peau et d’avoir de ce fait une action synergique avec la vitamine E.

Toutes les situations qui conduisent à un stress oxydatif génèrent une déplétion en vitamine C.

De nombreuses crèmes destinées aux peaux vieillissantes incorporent de la vitamine C, avec des résultats objectifs sur les rides.

Enfin, lorsque les mécanismes destinés à éliminer les réactions de stress oxydatif sont devenus inefficaces et que les lésions sont irréversibles, les cellules altérées sont éliminées par un phénomène d’apoptose ou par l’intermédiaire de médiateurs de l’inflammation. L’organisme est capable de produire des protéines dites réparatrices comme la ferritine, l’hème oxygénase, les protéines de choc thermique...

L’ensemble de ces données sert à la formulation des cosmétiques antipollution et anti-âge.