La croisade antitransgéni que a commencé

7 January 2012

« Qui sème des ogm, récolte la tempête ! »

Depuis quelques mois, les distributeurs prennent des accents de militants de Greenpeace pour déclarer la guerre aux aliments transgéniques. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le génie génétique ne fait pas l’unanimité dans nos assiettes. Après Sainsbury’s, qui fut pourtant l’un des premiers à commercialiser des conserves de tomates transgéniques, le leader britannique Tesco bannit à son tour tous les OGM de ses produits en marque propre. On voit même de fervents défenseurs des bienfaits de la transgénèse, comme Nestlé ou Unilever, se convertir à l’ idée d’une filière sans OGM. Terrorisées à l’idée de voir leurs noms inscrits sur la liste noire de Greenpeace, les enseignes ont préféré prendre les devants. « Le manque de transparence qui entoure les OGM est contraire à notre principe de traçabilité. L’absence de certitudes scientifiques et le peu de recul sur l’ensemble des risques potentiels, tant sur la santé que sur l’environnement de l’homme, nous imposent le principe de précaution » déclare Chantal Jacquet dans le journal de Carrefour.

Un ton qui ravit Arnaud Apotheker, responsable du programme biodiversité de Greenpeace, pour qui « le pouvoir de pression d’un consortium européen de distributeurs rendra possible la création d’une filière de lécithine de soja sans OGM ».

Mais Michel-Edouard Leclerc, pourtant ancien militant des Amis de la Terre, ne l’entend pas de cette oreille. Le bouillonnant patron des Centres Leclerc dénonce tout à la fois « les professeurs Tournesol prescripteurs d’OGM et les ayatollahs de l’anti-OGM ».

L’enseigne lancera bientôt une campagne de publicité pour exhorter les Pouvoirs publics à clarifier la situation. « Cessons cette guerre idéologique qui ne mène nulle part. Il appartient aux Pouvoirs publics de dire s’il y a oui ou non un risque à consommer des OGM. Ce n’est pas aux distributeurs de jouer les petits soldats. »

Peut-être, mais les Pouvoirs publics, notamment français, après la monumentale bévue du sang contaminé, la crise de la vache folle, l’alerte aux poulets asiatiques, la dioxine chez les poulets européens, le bœuf aux hormones, le retrait d’une partie des canettes de Coca-Cola en France et en Belgique... commence à se poser de sérieuses questions ! Si l’aspect économique remet souvent au placard une décision logique de santé publique ou d’amélioration de la qualité de vie, trop, c’est trop !

Des commissions sont spécialement créées à ces effets. On discute, on consulte, on menace, on s’insulte... Les scientifiques de la santé préviennent, des chercheurs crient au conservatisme, l’industrie agroalimentaire rassure, tandis que ceux de l’industrie des semenciers n’ont pas assez de doigts pour montrer les points positifs de cette évolution technologique. Qu’en est-il réellement ? Inutile de tergiverser pour dire que c’est la première fois ( ?) qu’une découverte scientifique est aussi rapidement adoptée... si l’on fait abstraction de la bombe atomique, de l’énergie nucléaire, de la pollution généralisée, de l’exogreffe d’organes, du clonage en perspective, j’en passe des vertes et des moins mûres...

Tout cela pour dire que la race humaine, dominée par une poignée de mandarins dont la satiété financière et de pouvoir n’a d’égale que la voracité des plus démunis (et encore), est l’enjeu de nouveaux dieux toujours plus puissants et toujours plus joueurs. Mais à force de jouer avec le feu, c’est notre avenir qui est menacé. Voilà un discours digne d’un militantisme le plus assidu, mais entre toutes ces palabres, au final, quand il en a le choix, n’est-ce pas aux consommateurs d’en juger ? Et pour cela, il faut les informer. Alors, informonsles, informons-nous...

Le règne du consommateur

Au-delà des divergences, force est de constater que les distributeurs et leurs fournisseurs sont sur le pied de guerre pour bouter l’OGM hors de nos assiettes. Une radicalisation qu’explique un directeur de recherche du Credoc : « Les distributeurs n’ont fait que répercuter le mouvement de refus des consommateurs ». Sur ce point, toutes les études d’ opinion convergent. Selon une enquête réalisée par AC Nielsen en octobre 1998, 63 % des personnes interrogées déclaraient qu’elles n’achèteraient pas de produits contenant un aliment transgénique si celui-ci en portait la mention. « Danger, phénomène contre nature, mauvais pour la santé, sont les thèmes qui apparaissent de façon récurrente chez 52 % des personnes interrogées. Nous avons beau chercher des réactions positives, nous avons eu du mal à en trouver », admet le directeur de marché de la société d’études TMO qui compte, parmi ses clients, des distributeurs, des industriels ou des semenciers. Le temps d’une « crise de la vache folle », le consommateur a appris à exercer son pouvoir de dire non.

Il veut savoir ce qu’il mange. « Dans une culture alimentaire forte, tout ce qui risque de modifier l’alimentation suscite l’inquiétude. Le soupçon d’une menace hasardeuse implique que l’on ne court pas de risque. La perception d’un péril éventuel n’est même pas contrebalancée par un avantage en contrepartie. Ces produits ne sont ni meilleurs pour la santé ni moins chers ». Alors ? Du point de vue du consommateur, le calcul ou le choix est vite fait. La menace d’un boycott des consommateurs pousse les enseignes à aller plus loin que les réglementations en cours. Pour un groupe comme Carrefour, qui réalise près de 60 % de son chiffre d’affaires avec l’alimentaire, l’enjeu est majeur. D’autant que la prise de position des distributeurs n’est pas dépourvue d’ arrière-pensée. Cette croisade leur donne en effet l’ occasion de promouvoir leurs marques propres au détriment des grandes marques industrielles qui défendaient jusqu’alors les modifications génétiques du vivant. Dans ce nouvel épisode du match distributeurs contre multinationales de l’agroalimentaire, la distribution s’accorde le beau rôle du défenseur du consommateur.

Le bannissement ou le génétiquement correct

L’enjeu EST clair. Mais les fournisseurs de la grande distribution sont confrontés depuis plusieurs mois à un vrai casse-tête. Pour laver leurs produits de tout soupçon, deux possibilités s’offrent à eux. Soit ils bannissent de leurs recettes tout maïs et soja, les deux plantes les plus suspectées en Europe, soit ils prouvent que leur origine est « génétiquement correcte ». En septembre 1998, l’étiquetage des ingrédients dérivés d’OGM ou contenant de l’ADN ou des protéines résultant de modifications génétiques est devenu obligatoire en Europe. La mesure a frappé des centaines de produits en France.

La majorité des distributeurs ont demandé à leurs fabricants de dégommer en priorité ces fameux ingrédients de la liste noire. Bourgoin a ainsi revu les composants de sa charcuterie de volaille. La démarche du charcutier traiteur Sodebo donne la mesure de cette remise à plat. Ainsi, une cinquantaine de modifications ont été validées. Près d’un tiers des recettes de l’entreprise ont changé, du pain de mie des croquemonsieur jusqu’à la sauce des pizzas. Les industriels de la boulangerie - biscuiterie, les fabricants de céréales ou de plats cuisinés ainsi que les spécialistes du chocolat sont les plus boulimiques en matière de substituts. Leurs produits sont truffés d’ amidon ou de sirop de maïs, ou encore de farine ou de lécithine de soja. Et certains distributeurs (Carrefour en particulier) ne veulent plus entendre parler des additifs et autres solvants d’extraction à base de soja et de maïs, dont l’étiquetage doit aussi devenir obligatoire. Sentant le vent des OGM tourner, l’industrie des ingrédients a développé des solutions. Comme le Citrem LR10 de Danisco, nom de code d’un substitut à la lécithine de soja pour le chocolat utilisé en confiserie.

Les ingrédients naturels ont aussi le vent en poupe. Chez Cosucra, on se frotte les mains. « Notre société s’ engage sur l’absence d’ OGM, se félicite la directrice du marketing. Nous fournis sons une attestation signée si le client l’exige. Au besoin, notre usine délivre un certificat ». Mais tout le monde n’a pas la chance, par exemple chez Jambon d’ Aoste, d’avoir « un seul ingrédient critique », le dextrose de maïs, et des remplaçants disponibles partout, le dextrose de pomme de terre, de blé ou de betterave. Le boulanger industriel Harry’s, lui, a mis trois mois à modifier la composition d’un fourrage à la confiture de fraise pour une brioche de Carrefour. Il a dû trouver de la fraise avec un sirop de sucre sans OGM en se tournant vers son fournisseur, qui a lui-même consulté sa source. Difficile, en outre, de changer une recette qui marche ! « On part sur un remplacement à l’identique, mais on peut déboucher sur une modification du produit », reconnaîton chez Danisco. Les services de solutions clés en main s’activent pour proposer du « sur mesure ».

Mais certains industriels, comme le groupe chocolatier Cémoi, ne trouvent pas leur bonheur. L’industriel a donc entrepris de lancer son proche service de recherche et développement sur la piste d’un émulsifiant sans OGM pour remplacer sa lécithine de soja.

La traçabilité

Les fabricants de steaks de soja ou de céréales pour le petit déjeuner ne peuvent se passer, en revanche, de leur principale matière première. Ils sont donc condamnés à traquer l’OGM depuis la ferme. Or, pour l’instant, il n’existe pas encore de filières séparées pour les cultures transgéniques. Les fermiers américains mélangent allègrement les récoltes avec ou sans OGM. Quand bien même ils voudraient les séparer, ils ne pourraient garantir une pureté absolue.

Quelques produits agricoles ont déjà montré les limites de la création de filières spécifiques. Il en va ainsi du cas du « maïs cireux » : impossible d’éviter toute présence de maïs conventionnel. Il en renferme 4 à 5 %. Car ce sont en général les mêmes moissonneuses et les mêmes moyens de stockage et de transport qui sont utilisés pour toutes les récoltes, moyennant un nettoyage jamais parfait. Plus on se situe en aval dans la filière soja ou maïs et plus il est hasardeux de garantir une pureté sans OGM. « Aucune huilerie n’est en mesure aujourd’hui de garantir des produits sans OGM », affirme le directeur général de Lucas Meyer France, qui produit 35 000 tonnes par an de lécithine de soja et de produits dérivés. Toutes les usines de transfor-mation agroalimentaire ne sont d’ailleurs pas structurées pour traiter les produits séparément. Dans une amidonnerie, par exemple, une chaîne d’extraction unique alimente plusieurs circuits finisseurs en fonction des différentes destinations des produits. La seule solution consiste à travailler par campagnes.

Que faire dans ces conditions ? S’assurer de l’origine de la source, par des contrats avec les fournisseurs. Ainsi, l’Union syndicale des produits amylacés a demandé à l’Association des producteurs de maïs (AGPM) de ne plus semer de maïs OGM cette année. La Cana, qui veut être la première en France, avec Auchan, à proposer des poulets « non OGM », a décidé d’acheter son soja en France. Quant à « sécuriser » une filière à l’étranger, cela tient de l’exercice de haute voltige. Jusqu’à présent, toutes les initiatives des industriels portaient sur de faibles tonnages. Mais, depuis que l’on s’inquiète aussi des OGM dans l’alimentation animale, la question prend de nouvelles dimensions... A moins d’aboutir à une production sans OGM organisée...

Le volte-face de certaines multinationales

Possible. Car la croisade anti-OGM n’est plus limitée à une poignée d’irréductibles distributeurs européens. Des négociants en céréales américains, comme Archer Daniels Midland, ont décidé de ne plus acheter de maïs transgénique américain non approuvé par les Européens. Les fermiers de la « Corn Belt » s’interrogent. Les champions des biotechnologies jouent déjà sur les deux tableaux. Ainsi, PTI, une filiale de DuPont, a mis sur pied un système dit de « préservation d’identité » pour garantir un soja « OGM free ». Et les poids lourds de l’agroalimentaire, comme Nestlé et Unilever, conscients que leurs marques ne suffisent pas à rassurer, vont proposer à leur tour des produits « non OGM ». Danone estime qu’il n’est pas un nouveau membre du club. « Cela fait un bout de temps que nous sommes « non OGM » sur les ingrédients, et nous finalisons le travail sur les additifs, indique le directeur de la sécurité des aliments. Si Danone voulait revendiquer « sans OGM » sur ses produits, il faudrait aussi traiter entre autres les enzymes et les supports d’arômes. Ce n’est pas notre intention ».

Une chose est certaine : cette guerre aux OGM a déjà coûté pas mal de temps et d’argent aux industriels. Une analyse PCR, par exemple, coûte en moyenne 2 000 francs. La société Lucas Meyer a ainsi vu son budget contrôle « exploser » en 1998 : « les analyses ont représenté 2,5 millions de francs supplémentaires ».

Côté substitution, tout dépend des solutions trouvées et des volumes à mettre en œuvre. Chez Jambon d’Aoste, le surcoût est « mineur ». Mais Sodebo attend pour intégrer une margarine sans lécithine de soja, car « le surcoût atteindrait au départ 10 % par rapport à la margarine conventionnelle ». Quant à l’investissement à consentir pour organiser la traçabilité, il se révèle tout aussi variable. PTI soutient que ses protéines non OGM « reviennent de 25 à 30 % plus chères », Sevenday, le fabricant de céréales pour le petit déjeuner, parle de 5 à 10 % de surcoût...

Cette facture, qui la paiera ? Le consommateur ? Il ne semble pas disposé à se laisser faire. « Puisque nous n’avons pas demandé les OGM, les produits sans, doivent être au même prix », martèle l’association Consommation, logement et cadre de vie. « C’est plutôt aux filières avec OGM à payer le surcoût », renchérit la Fédération du commerce et de la distribution. Tout le monde cherche à se repasser l’addition. Il faut plutôt attendre la réponse des négociations entre industriels et distributeurs. « Nos clients prennent le surcoût à leur charge, car ils étaient demandeurs », indique-t-on chez le chocolatier Cémoi. D’autres laissent entendre qu’ils devront comprimer leurs marges.

Le grand flou de la détection des ogm

Comment échantillonner un produit à contrôler ? Comment extraire l’ADN des échantillons ? Quelles méthodes de détection qualitatives et quantitatives adopter ? Autant de normes qui devront être définies aux niveaux européen et national d’ici à la fin de l’année. Les industriels les attendent avec impatience. Point important : Comment échantillonner un produit à contrôler ? Comment extraire l’ADN des échantillons ? Quelles méthodes de détection qualitatives et quantitatives adopter ? Autant de normes qui devront être définies aux niveaux européen et national d’ici à la fin de l’année. Les industriels les attendent avec impatience. Point important : culture de plantes transgéniques. Faut-il, d’autre part, considérer l’ADN transgénique simplement comme le signe de l’intervention d’un OGM dans la fabrication du produit ou comme un composant dangereux par lui-même ? A ce jour, les avis divergent sur les risques des OGM. Des chercheurs de l’Université Cornell aux Etats-Unis viennent de montrer leur nocivité sur les chenilles de papillons Monarque, selon la très sérieuse revue scientifique « Nature ». En revanche, des rats gavés de tomates transgéniques n’ont montré, jusqu’alors, aucun signe pathologique.

Le « zéro ogm » absolu ?

Cette question du coût n’est pas la seule à rester en suspens. L’action a précédé la réflexion, et même la législation. Qu’estce qui définit un produit sans OGM ? Comment se comporteront les consommateurs face à une offre de cette nature ? Conscientes du problème, 35 organisations (de la distribution aux Pouvoirs publics, en passant par les lobbies agricoles ou alimentaires et les représentants de consommateurs) se sont mises d’ accord en février 1999 pour étudier « la pertinence économique et la faisabilité d’une filière sans utilisation d’OGM ». L’objectif : « Pouvoir différencier les produits en donnant une information supplémentaire, avec comme perspective de redonner de la confiance, explique Eggizio Valceschini, directeur de recherche à l’INRA et coordinateur de l’étude. Cela peut permettre aussi d’éviter les initiatives de produits dits sans OGM, où chacun produirait n’importe quoi, n’ importe comment ».

Trop tard, puisque personne n’a attendu ces conclusions pour agir ? « Il y aura des retours de bâton qui vont faire mal », avertit le secrétaire général de la FNSEA. « Il est urgent de définir une norme de pureté, faute de quoi c’est la norme « zéro OGM », totalement irréalisable, qui s’imposera de fait », renchérit le directeur général de l’Association des producteurs de maïs (AGPM).

Ce zéro absolu, plus personne n’y songe, en réalité. Pas plus les distributeurs que les associations de consommateurs, semble-t-il. « Toute la question est de savoir ce que l’on appelle sans OGM, s’il s’agit d’être au-dessous d’un seuil qui n’est même pas défini ou de vendre des produits sans maïs ni soja », lance le secrétaire général de l’Association nationale des industries alimentaires.

Pour prendre en compte le risque de « contamination accidentelle » des ingrédients issus de matières premières « non OGM », la Commission européenne, à Bruxelles, devrait fixer un seuil de tolérance au-dessous duquel l’étiquetage ne sera pas obligatoire. La DGII a laissé filtrer, en mars 1999, le chiffre de 2 %. Elle devait l’entériner au mois de mai, ce qui n’est toujours pas fait.

Ce seuil s’appliquera au niveau de l’ingrédient « non OGM ». Si l’on prend en compte les additifs et les arômes, on peut trouver en théorie aussi des résultats positifs. Pour aller au bout de la démarche « sans OGM », il faudrait s’intéresser aussi aux auxiliaires technologiques comme les enzymes, à l’alimentation animale, aux phytosanitaires et médicaments vétérinaires employés...

Se lancer sur une allégation « sans » sur la seule base de ses 2 % serait abusif et déloyal. De plus, l’absence de standard d’analyses ne simplifie pas les choses ! Gare, cependant, à l’enlisement du débat dans les méandres réglementaires ! Les consommateurs demandent avant tout de la transparence et une possibilité de choisir. Y compris d’acheter des OGM si ceux-ci leur apportent un jour un réel bénéfice. La frite non grasse ou la fraise plus savoureuse promises par les gourous des OGM vaincraient peut-être leurs réticences. En attendant, les Etats-Unis veillent au grain : l’étiquetage obligatoire des produits contenant des OGM pourrait leur fournir un beau cas d’entrave à la liberté du commerce, une fois résolus les conflits de la banane et du bœuf aux hormones !

Les nouvel les technologies génèrent des néophobies

Pour Frédéric Vey, directeur du département des sciences de la consommation de l’Adria, la dimension imaginaire prédomine en matière d’alimentation.

« Comme toutes les nouvelles technologies, les organismes génétiquement modifiés entraînent l’émergence de néophobies, ces craintes liées au principe d’incorporation qui veulent que l’on soit ce que l’on mange. Plus la technologie est nouvelle, plus la peur est grande. L’ionisation a suscité un fantasme de mutation similaire ». Le manque d’information sur les bénéfices apportés par les OGM biaise d’autant plus la perception. Cependant, le chercheur en minimise l’impact sur les comportements d’achat : « On remarque qu’il y a beaucoup d’écart entre le déclaratif et le comportement effectif du consommateur qui ne décortique pas toutes les étiquettes ».

D’autre part, pour aider les industriels qui modifient leurs recettes en substituant les OGM, l’Adria a mis en place une batterie d’épreuves « hédoniques » permettant « d’évaluer en aveugle les préférences des consommateurs et de voir si les modifications se traduisent par une diminution du plaisir ».

Quant à Guy Paillotin, président de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), il estime que « la science ne sait pas vendre la science ».

Les biotechnologies n’ont pas su faire passer le message des OGM. « Or, on mange avec son cerveau. On ne peut donc pas négliger la part de l’imaginaire dans l’alimentaire. Dans le cas des OGM, le risque ressenti l’emporte sur le risque objectif. La grande distribution ne fait que suivre les évolutions du consommateur dans une économie où c’est lui qui tire désormais le système. Il veut contrôler ce qu’il mange jusqu’au mode de fabrication des aliments ». Mais la controverse des OGM apparaît aussi comme une opportunité à saisir dans un contexte concurrentiel. « La France a tout intérêt à se différencier de l’approche américaine en refusant un mode d’alimentation uniforme. Pour la grande distribution comme pour l’agriculture, c’est dans la différenciation que l’on crée des richesses », augure l’auteur de « Tais-toi et mange ! », paru chez Bayard.